Continent de tradition orale, c’est la communication verbale qui a le plus d’impact en Afrique, y compris dans la transmission du savoir. En arpentant les villes africaines, il n’est donc pas rare de tomber sur un point de vente d’aliments à grignoter, qui lorsque vous voudrez en acheter, vous seront tout simplement emballés à l’aide d’une page arrachée d’un exemplaire de livre… Cela fait partie des méthodes de recyclage certes incongrues, mais qui font tout le charme de notre Afrique avec ses usages et son paysage, que cela vous choque ou pas du tout.
L’exception de copie privée est une exception au monopole d’un auteur sur son œuvre, et permet à toute personne de reproduire une œuvre protégée par le droit d’auteur pour un usage privé ou familial, sans avoir à obtenir, au préalable, d’autorisation. La copie est privée lorsqu’elle bénéficie au cercle de la famille, c’est-à-dire à un groupe restreint de personnes qui ont entre elles des liens d’amitié ou de famille.
Il s’agit à la fois de protéger la vie privée des utilisateurs des œuvres, mais également de consacrer l’impossibilité de contrôler la réalisation de ces copies qui se font à l’insu de tous.
Née en Allemagne au milieu des années 1960, la copie privée est une notion initialement promue par la culture occidentale, selon sa conception de l’ « usage privé » ou du « cercle familial. » Or, notons certes, avec une pointe d’ironie, mais non sans pertinence, qu’en Afrique, la notion de « cercle familial » n’a pas de frontière nette. N’ayant pas la même acception si nous changeons de continent, il est tout à fait légitime d’envisager que la conception du « cercle familial et son acception en Afrique soient aux antipodes de ce que l’on en attendrait dans un contexte d’application conforme à l’idée initiale : mon oncle africain ne s’arrête pas au frère de mon père ou de ma mère. Dans certaines circonstances, il peut aller jusqu’au collègue de bureau, en passant par le voisin ; et c’est mon oncle, vous n’y pouvez rien.
Une autre difficulté réside dans le fait que l’exception de copie privée suppose une source licite, qui ne porte pas atteinte au titulaire de quelque droit que ce soit sur l’œuvre copiée. Cela nous rappelle que l’exception de copie privée n’autorise pas la circulation de l’œuvre acquise de manière illicite. Pourtant, si un consommateur est accusé d’avoir contrefait une œuvre, il peut recourir à l’exception de copie privée (et non un droit sur la copie de l’œuvre) pour se défendre.
Le tableau n’est malheureusement pas aussi brillant qu’il n’y parait, les choses ne sont pas aussi bien ficelées qu’au premier regard. Aujourd’hui en effet, les technologies du numérique ont largement remis en cause l’exception de copie privée, en permettant, avec une facilité déconcertante, de réaliser des copies « originales », dont l’identification en tant que copies s’avère impossible. La copie privée, jadis conçue dans le but de « ménager la chèvre et le chou » est désormais le principal danger à l’exploitation d’une œuvre originale.
Pour en venir à bout, des mesures techniques ont été envisagées, dont les Digital Rights Management (ou mesures techniques de protection, en abrégé DRM), qui permettent de diffuser des contenus sonores, textuels, etc. par voie numérique, tout en protégeant les droits d’auteur par un cryptage des fichiers afin qu’ils ne puissent être lus que sur un support sécurisé. Cette mesure prémunit notamment contre le téléchargement illicite de toutes les œuvres originales, excepté les logiciels, et doit être préalablement portée à la connaissance de l’utilisateur.
Les DRM sont ainsi assortis d’une protection juridique, et toute tentative de contournement de cette mesure technique (hormis en cas de recherche en cryptographie ou sécurité informatique) constitue une infraction pénale sanctionnée par une amende et une peine d’emprisonnement dont le montant et la durée varient selon le pays où elles sont mises en œuvre.
Quant à nos usages traditionnels de l’oralité et à notre paysage gastronomique, il n’y a que des efforts continus aussi bien dans la mise à profit des nouvelles technologies que dans la sensibilisation de masse pour la littérature, qui pourraient épargner les œuvres littéraires africaines à la fois du dédain du grand public au profit de la communication verbale, et d’un destin fatal en emballage et conditionnement !