Sorti en mai dernier chez Gallimard, Le Moabi Cinéma est le premier roman du chanteur camerounais Blick Bassy. Dans un entretien accordé à Afrolivresque.com, il nous confie quelles ont été ses motivations pour écrire ce roman très réussi, et quel message il a voulu passer à travers ce livre.
Blick Bassy, beaucoup de lecteurs vous connaissent plus en tant qu’artiste auteur-compositeur, musicien et chanteur. Quel a été le déclic pour passer de la musique à l’écriture pour écrire ce roman ?
Bonjour. En tant qu’auteur-compositeur, il existe depuis toujours un lien avec l’écriture vu que j’écris mes textes. J’ai décidé d’écrire un roman il y a maintenant 8 ans, boosté par la réalité et mes voyages. J’ai la chance de parcourir le monde et donc d’assister chaque jour à des scènes de vie incroyables, avec des réalités correspondant à chaque environnement. J’ai donc toujours voulu le raconter, déjà à travers mes chansons, et pour aller plus loin grâce à la langue, l’écrire.
Vous êtes un artiste qui a du succès et vous faites beaucoup de concerts à travers le monde. Où trouvez-vous le temps d’écrire ?
Comme je l’ai dit plus haut, j’ai commencé à écrire il y a longtemps, je suis aussi hyperactif. J’essaie alors de rentabiliser mon énergie en la canalisant vers des projets qui me tiennent à cœur. Autant en profiter pendant que j’y suis.
Boum Biboum, le héros principal du roman, est un jeune camerounais de l’ethnie Bassa’a passionné de musique qui raconte son vécu quotidien à Yaoundé comme vous. Bilck Bassy et Boum Biboum sont-ils la même personne ?
Je me suis inspiré de quelques scènes de ma vie au Cameroun, mais l’imagination a pris le dessus et Boum Biboum et moi n’avions plus que quelques petites ressemblances. Je trouve que laisser cours à notre imagination est juste géniale car chaque tableau peut raconter plusieurs histoires différentes selon l’imagination.
Bien qu’écrit sous forme de roman, « Le Moabi Cinéma » est un livre engagé qui met à nu tous les paradoxes et richesses de la société Camerounaise. Quel message souhaitez-vous faire passer avec ce roman et à qui s’adresse-t-il ?
Ce Roman s’adresse à la jeunesse Africaine, mais aussi à celle du monde entier qui connaît peu notre continent. Il s’adresse également aux responsables politiques du Nord et du Sud, afin de mettre à nu leurs contradictions et leur responsabilité dans les drames causés par l’immigration. J’aimerais à la fin dire que nous sommes les créateurs de notre Paradis, chacun de nous quel que soit le lieu où nous vivons.
Il existe entre les personnages issus de différentes ethnies, des liens d’amitié forts. Pourquoi ce choix, bien que le tribalisme existe au Cameroun ? Cette réalité est-elle difficile à coucher dans un roman ?
J’ai juste voulu décrire une autre réalité justement, celle que j’ai vécue pendant mon enfance. Nous ne nous soucions pas vraiment à quelle tribu appartenait tel ou tel autre, si ce n’était lorsqu’on se taquinait comme peuvent le faire des frères. Je sais que cela existe aussi au Cameroun et jusqu’à présent mes meilleurs amis Camerounais viennent des quatre coins du pays. Je ne nie pas la présence du tribalisme au Cameroun, mais j’essaie justement de montrer qu’à l’instar de la diversité communautaire en Europe, la diversité est une chance. Il faut le porter fièrement tout en apprenant de chaque tribu et de chaque communauté.
« Le Moabi Cinéma » dépeint aussi une jeunesse africaine complètement larguée qui tourne en rond en attendant d’immigrer vers le « paradis » occident. Que dites-vous à ces jeunes qui nous lisent et ne voient leur avenir que possible qu’en occident ?
Je leur dis ce que je dis ici en France aux jeunes de quartier et de province qui croient que rien n’est possible que si on est à Paris, lorsque je donne leur des ateliers. Je leur dis : « Soyez acteur dans votre quotidien, réfléchissez sans cesse sur ce que vous voulez devenir, regardez autour de vous et faites comme des enfants qui, lorsqu’ils n’ont pas d’argent pour acheter des jouets, deviennent créatifs et créent leurs propres jeux, leurs propres jouets. »