Le recueil de Nkul Beti est composé de 33 poèmes. Ce qui suggère qu’il s’offre comme un arrêt sur image sur « trente-trois lunes de misères » d’un dictateur Africain. « Biya, 4 novembre 82./ Seule personne/ À qui l’on chante/ L’Essani de son vivant ! » L’essani, mélopée funéraire, destinée aux notables qui viennent de mourir. Mais il ne s’agit là que d’un prétexte pour mieux s’ouvrir aux mondes. Pour sortir du confinement idéologique : à « Chaque I do so swear de cet apprenti sorcier, / Me pousse hors des frontières du siège de la gouvernance par étranglement, mon pays, / Et me rapproche du tout-monde ! » Pour rentrer dans la relation.
Nkul. C’est le tam-tam. C’est la voix qui, en se déroulant, ne vouvouzèle pas. Avec les loups, Beti ne crie pas. Nkul Beti, s’écrie, aux loups ! Il se déploie dans sa sonorité. Pour s’ouvrir. À l’Afrique. Aux Caraïbes. À l’Europe. Aux Amériques. Au monde.
Nkul. C’est sa plume. Elle n’a de sens et de puissance que par son désir constant de dénoncer, certains pans malades de cette Afrique. Afin que s’ouvre : « Le début d’un nouveau livre ! » Sa nouvelle chose Afrique. Le recueil permet ainsi d’irradier, à partir des histoires de l’Afrique comme point de départ, le tout-monde : La plume Nkul Betienne annonce son entrée dans la mondialité glissantienne. Avec style !
Le style Nkul Beti s’ouvre en un « Je » dialogal. Ici, en s’adressant à ses anciens pairs, les « soutaneux », il dit sans ambages : « Je suis le balayeur du monde !/… Qui blâme sans manière, sans façon, mais avec bigrement de style !/ Si je réprimande Dieu, votre roi, / Vous réprimez est un énorme hochet d’enfant. » Là, dans « Hostie » il assène péremptoire : « J’étais chrétien… » C’est-à-dire Catholique, Romain. Il enterre son passé d’ancien séminariste. Le poète entérine son refus d’être consacré à la prêtrise catholique. Il y était pourtant voué. On a versé une larme ! Hypocrites ! Entre deux souffles. Il clame : « J’écris en majuscule sur le temps ! », et parfois à contre-temps des canons. Sa plume fougueuse déplace les multiples problématiques des sociétés vers des modes plurielles de luttes. Sous divers fronts. Telle une mangrove, elle sature les espaces géographiques.
Nkul Beti dans ce chef-d’œuvre dès son ouverture n’a pas caché son ambition de faire champ. Avec l’autre. Les autres. Les penseurs dont ils se réclament. Confiant, Philombe, Chamoiseau, Mongo Beti, Dadié, Damas, Chinua Achebe, Césaire… Vous ! Moi ! Nous ! Avec doigté, il a su se réapproprier la poétique de la relation de Glissant. Il est devenu citoyen-monde. Un homme de tout, surtout. Une fine plume, certainement. Pour la littérature francophone.
Informations sur le livre
Editeur : La Doxa Editions
ISBN : 9782376380085
Date de parution : 5 décembre 2016
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