Bien qu’il soit peu ou pas du tout connu de certains, le métier d’agent littéraire est devenu au fil du temps un maillon essentiel de la chaîne du livre. Des USA en Afrique, en passant par l’Europe, les pratiques divergent suivant la sphère d’exercice. Quelles sont les différentes facettes de ce métier et quelle est son évolution à travers le monde?
Un agent littéraire, qu’est-ce que c’est ?
Dans le Traité pratique d’édition (1994, Éd. Du Cercle de la librairie), Philippe Schuwer explique que l’agent littéraire est « un indépendant, un solitaire tenant à sa liberté ». Il est l’interface entre auteurs et éditeurs, ou l’intermédiaire entre éditeurs pour la vente et l’achat de droits de traduction ou la négociation de coéditions. Professionnel indépendant ou rattaché à une structure légère, l’agent littéraire négocie, au nom de celui qu’il représente (auteur, éditeur, voire autre agent), la cession des droits d’édition, des droits d’adaptation audiovisuelle et des droits dérivés, moyennant un pourcentage sur ces cessions. C’est donc l’intermédiaire entre l’auteur et l’éditeur ; c’est à lui que l’auteur remet son manuscrit qu’il lira, appréciera et transmettra à un éditeur qu’il aura choisi en fonction du style du texte.
L’agent littéraire ne dispose pas d’un salaire fixe, car sa paye dépend uniquement du travail de l’auteur. Aussi, il devrait attendre que le livre soit édité afin de pouvoir bénéficier de son pourcentage sur les droits d’auteur versés par l’éditeur.
Quelle formation pour devenir agent littéraire ?
A l’heure actuelle, il n’existe dans aucune université un programme qui porte le nom de ce métier. Ceci dit, il n’y a aucun cursus académique qui permette de devenir agent littéraire.
Selon Sandrine Paccher, agent littéraire à Paris, il faut d’abord étudier les langues, l’édition et participer régulièrement aux foires du livre. Il faut aussi être bon en anglais, avoir un bon réseau et surtout maîtriser le paysage éditorial.
Bertrand Legendre, responsable du master d’édition de l’université Paris XIII, précise que la question est abordée au fil des cours sur les droits étrangers, les coéditions et les marchés internationaux, autrement dit uniquement sur le plan international.
Comme dans tout corps de métier, être agent littéraire requiert certaines compétences telles qu’être un passionné de lecture, avoir l’aptitude de lire beaucoup et vite, et être doté de connaissances juridiques, d’un sens de la diplomatie et des relations publiques.
Les pratiques du métier dans la sphère francophone
Contrairement aux pays anglo-saxons, où le métier d’agent littéraire est bien ancré, le continent européen semble être un peu à la traîne.
La France
En France, le sujet est encore très sensible, l’agent étant absent de la culture éditoriale française. Pour les éditeurs français, les agents littéraires sont parfois considérés comme des fauteurs de trouble : la relation entre auteur et éditeur est donc sacrée. En outre, les éditeurs français sont souvent amenés à collaborer avec des co-agents à l’étranger pour la vente de leurs propres titres en vue de leur traduction, en particulier lorsqu’ils ne sont pas dotés d’un service de droits étrangers intégré. Depuis une dizaine d’années, la situation a évolué et le métier d’agent littéraire est en pleine expansion en France.
La Belgique
En Belgique, les agents sont organisés en réseau et sont en relation constante avec d’autres éditeurs francophones. Pour sélectionner les manuscrits, certains font parfois appel à des traducteurs littéraires, des docteurs ès lettres, etc. Comme autre activité, ils représentent des éditeurs et des agents étrangers sur les marchés francophones du livre de même qu’à l’international.
Le Canada / Québec
Le métier d’agent littéraire au Québec peut être comparé à celui d’un explorateur. Bien qu’ayant un avenir prometteur dans ce pays, l’agent littéraire doit aller à la conquête de nouveaux marchés afin de pouvoir jouir du fruit de son travail. Les agents se battent au quotidien pour que règne un climat harmonieux avec les éditeurs car ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront négocier de meilleurs contrats. Le gouvernement québéquois doit parfois intervenir en la faveur de l’agent sinon, c’est l’agent qui endosse tout le travail de la production.
Les USA, pionniers dans le domaine
Les agents littéraires sont désignés aux USA par les termes « literary agents ». Dans la culture littéraire américaine, l’agent littéraire est incontournable si l’auteur veut contacter un éditeur. L’auteur doit réussir à convaincre l’agent du potentiel de son livre à travers un document appelé « the pitch letter » (lettre de présentation) ; c’est donc un agent convaincu par l’auteur qui va à son tour chercher à convaincre un éditeur. Les agents littéraires sont regroupés aux USA dans une association dénommée « Association of author’s representatives », qui sert de vitrine capable de répondre aux questions des différents acteurs du secteur de l’édition.
L’Afrique encore timide
La rentabilité de l’édition en Afrique n’est pas encore évidente à cause des conditions politiques et économiques globalement très peu favorables à la création et au développement d’une industrie du livre.
Il n’existe pas d’intermédiaire entre l’auteur et l’éditeur. Aussi, les auteurs désireux de faire publier leurs manuscrits n’hésitent parfois pas à financer eux-mêmes leurs travaux dans le but de se faire publier. Certains acteurs du livre estiment que l’industrie du livre en Afrique est gangrénée par la forte présence des œuvres occidentales.
« La circulation des livres continue donc de se faire à sens unique, depuis la France vers la Suisse, la Belgique, le Canada ; depuis l’ancienne puissance coloniale, la France, vers ses anciennes colonies d’Afrique, de la Caraïbe et de l’océan Indien. Plus préoccupant : les « grands noms » de la littérature francophone ont été aspirés par ce centre. On importe les talents, on exporte les livres, mais on n’exporte ni les labels ni les droits. »
D’autres professionnels sont plutôt fatalistes et estiment que l’industrie du livre africain n’arrive pas à se déployer à cause d’une culture de lecture faible ou alors quasi inexistante. Heureusement, certains ne s’avouent pas vaincus et croient en un brillant avenir pour le livre africain. L’Afrique anglophone est en avance par rapport à l’Afrique francophone, dans l’intégration de l’agent littéraire comme maillon à part entière de la chaîne du livre.
Le métier d’agent littéraire mérite d’être mieux connu dans le monde francophone, en particulier en Afrique. Les auteurs ont là un intermédiaire expert, dont le rôle est capital, et qui les accompagne tout au long de leurs projets littéraires, leur permettant ainsi de se consacrer à ce qu’il savent faire le mieux, à savoir, écrire.
Quelles sont vos expériences, en tant qu’auteur ou éditeur, avec les agents littéraires? Trouvez-vous leur rôle nécessaire dans la relation éditeur/auteur?