« Sur la photo, c’était presque parfait » de Hem’sey Mina : Entre désillusion et espoir Afro-européens

par Mireille Kameni
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"Sur la photo, c'était presque parfait" de Hem'sey Mina : Entre désillusion et espoir Afro-européens

Hem’sey Mina, jeune écrivain franco-congolais, sort son 2ᵉ livre intitulé Sur la photo, c’était presque parfait, un roman de 220 pages, aux éditions La Doxa (Collection La Librevilloise). Hem’sey Mina est appar sur la scène littéraire francophone en 2014 avec son premier récit intitulé J’ai rêvé d’une entreprise 4 étoiles qui évoque le parcours de jeunes auditeurs financiers.

Sur la photo, c’était presque parfait relate sous la forme d’un récit romancé, la réalité crue et pervertie d’un peuple congolais en proie avec ses démons.

L’histoire est celle de Prodige, un jeune étudiant franco-congolais, résidant dans une banlieue parisienne qui envisage un retour au pays natal. Pour beaucoup de jeunes étudiants afro-européens, le retour en terre africaine est guidé par le désir d’exécuter de futurs plans de carrière, d’investir dans l’immobilier, mais surtout à cause du « ras-le-bol d’un accès difficile à un emploi en adéquation avec leur formation, la discrimination épidémique dans certains environnements, le besoin de changement d’air ou encore la haïssable sensation de perdre du temps en Europe pendant que les expatriés occidentaux prospéraient en Afrique avec fulgurance » (p11). Pour Prodige, ce sera pour « le besoin intérieur de redécouvrir son pays d’origine autrement qu’à travers ses yeux d’enfants, loin des critiques de la diaspora mécontente… pour se réconcilier avec lui-même et renouer des liens fragiles, entreprendre quelque chose de génial qui apaiserait son cœur éveillé« . (p13)

Le lecteur est transporté d’un univers à un autre au moyen d’un phrasé simple, abondant et très descriptif et ce, sans qu’aucun détail sordide ne lui soit épargné. Entre réalisme et préjugés, se dépeint une jeune génération afro-européenne qui se façonne elle-même, entre deux cultures, et qui est passée tacitement en mode SURVIE. D’un côté ou de l’autre de la méditerranée, on s’épie, s’envie, et se méprise. Que ce soit « à l’abri de toute instabilité politico-économique » (p16), ou dans un climat où « l’ennui, l’inconfort, la mentalité archaïque des concitoyens et un sentiment de blocage permanent » (p16) règnent en maître, ils ont fini par faire tomber les derniers remparts de la morale.

La jeunesse afro-descendante semble être la cible d’un implacable avilissement des mœurs. Aussi, il n’est pas rare de voir des personnages féminins éduqués, instruits, avec une bonne position financière, se vendre aisément aux plus offrant contre du luxe, des cadeaux, des voyages, des bijoux ou la promesse d’un exil vers des cieux plus prestigieux.

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Prodige arpente les rues de Brazzaville en compagnie d’oncles et de cousins ; le lecteur est gratifié au passage d’une image cocasse qui fait sourire, mais qui ne laisse à la fin que le visage laid et sale de la population brazzavilloise qui croupit dans la misère. Le lecteur est conduit dans des bordels aussi créatifs que divers et qui feraient pâlir de honte Sodome et Gomorrhe. Quand elle ne se perd pas dans l’alcool, elle se confond en prières encore plus tonitruantes les unes que les autres.

« Pendant que certaines personnes sifflaient des dizaines de litres de bière dans des bistrots tumultueux à longueur de journée, d’autres effectuaient des prières interminables et chantaient des louanges résonnantes dans des salles non insonorisées, en implorant le Seigneur miséricordieux du matin au soir afin qu’il leur déverse une onction de billets de banque. » (p76)

Tout au long du livre, on tombe sur de nombreux préjugés et pratiques qui semblent bien encrés en Afrique, tels que la prolifération des églises dites de réveil, la légèreté des femmes métisses ou Zaïroises, les routes mal asphaltées, les coupures de courant et d’eau intempestives, la corruption des Camerounais, l’envahissement des Chinois, les pactes et allégeances sectaires. Bien que redondant en Afrique, ces différents thèmes abordés soulèvent des craintes et des questions philosophiques sur le devenir de ce continent. Hem’sey Mina amène le lecteur à s’interroger dessus, sur l’avenir de ses fils et de ses filles, et sur l’importance de l’éducation et de l’amour pour sa patrie.

Toutefois, dans ce tableau de noirceur, de désillusion et de désolation, Prodige se refuse à se laisser aller aux attitudes défaitistes de cette jeunesse congolaise prisonnière du désœuvrement, en face au ravage de plusieurs années de guerres civiles. Dans ce pays qui lui apparaît étranger au fil des rencontres, Prodige garde le cap et se fraie une voie qui le mènera à la concrétisation de ses projets immobiliers dans les délais escomptés, sans avoir vendu son âme au passage ; brisant ainsi le mythe africain de l’impuissance de la jeunesse dans un pays gouverné par des gérontocrates sectaires. Néanmoins, face à la réalité, Prodige abandonne ses idées de retour définitif au pays natal. Il veut bien y investir et contribuer à développer son Congo natal… mais de loin !

Roman d’un réalisme social certain, Sur la Photo, c’était presque parfait de Hem’sey Mina apporte un message important à la jeunesse afro-européenne en particulier. Prodige fait prendre conscience au lecteur, de l’importance de l’humilité, de l’honnêteté et de l’audace dans le désir de se réaliser.

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