« Camarade Papa » d’Armand Gauz: comme une redécouverte de l’histoire

par La redaction
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Camarade Papa d'Armand Gauz

Camarade Papa est un récit captivant qui nous plonge au cœur de l’histoire de la colonisation en Côte d’Ivoire. Le narrateur retrace l’histoire de deux personnages que tout oppose : la peau, l’époque et l’idéologie. Gauz offre un autre regard du monde : le regard d’un africain sur l’Europe.

Poussé par son père nommé Camarade Papa qui le forme à la révolution, le petit Métis se retrouve en Afrique pour renouer avec ses racines. Ceci se passe un siècle après l’histoire de Dabilly.

Après avoir expérimenté cette profonde douleur que laisse la perte des êtres chers, Dabilly, un blanc de France, suite au décès de ses parents, décide de partir en Côte d’Ivoire pour une expérience coloniale. Au travers de ce parcours, Armand Gauz met de nouveau à nu les méthodes utilisées par les français et les anglais dans leur processus de colonisation. Par exemple, les français prétendaient être en Côte d’Ivoire pour faire du troc. Un principe qui consiste à échanger ce que l’on a contre ce que l’on n’a pas ; pourtant, ce n’était qu’un prétexte pour envahir la Côte d’Ivoire. D’ailleurs, le narrateur déclare ironiquement :

« Les chefs noirs ne sont pas un problème. Ils croient que nous sommes là pour le commerce avant tout et ils veulent en profiter. Ils n’ont pas encore conscience que nous allons occuper le pays ».

Et même dans ce commerce, la ruse du colon se joue de la naïveté du colonisé : « Fortunes aux plus malins ». Ce double simulacre, à travers l’art écrit de Gauz, nous livre une belle réécriture de l’histoire.

Outre l’histoire de la colonisation, le lecteur a le plaisir de découvrir, à nouveau, sur le regard de Dabilly, la représentation d’une Côte d’Ivoire avant la colonisation. Cet espace sauvage, mystérieux, vierge et bourré de richesses protéiformes. Cette terre rebelle à explorer et à soumettre :

« Avant le nègre et les animaux, le moustique est notre pire ennemi. Des pelotons d’exécution volants. Au bout de chaque piqûre, risque de fièvre bilieuse hémoglobinurique, stade final de la cachexie palustre. Vomis, urines, fèces, tout est maté de sang. On finit squelette-sur-bottes ». 

Le lecteur redécouvre également, cette Afrique avec ses mœurs et ses habitudes. Un lieu où les femmes n’avaient que pour seul accoutrement un pagne noué autour de la taille, les femmes les plus nanties et les moins nanties un simple cache-sexe. D’un autre côté, est livrée l’histoire du petit métis d’Amsterdam. À travers ce personnage, on découvre un texte riche en néologisme. Ce qui fait, d’ailleurs, sa beauté. Bien évidemment, cette manière de recréer la langue donne aussi au texte d’Armand Gauz une dimension comique qui fait bon effet sur le lecteur. Pour parler des prostituées, il utilise l’expression : « Les vendeuses de bisous ». Les énormes seins de Yollanda sont caractérisés par l’expression : « Grands bonbons pour messieurs » — notons, cependant, que c’est une expression pas très gracieuse qui donne l’impression de réduire le corps de la femme à sa seule dimension sexuelle.

Ainsi, la langue française, loin d’être une langue empruntée, devient une langue personnalisée qui épouse, l’imaginaire de Gauz et titille celui du lecteur. Dès lors, chez Armand Gauz, la langue française devient une langue qui épouse la culture et la réalité du colonisé. Par conséquent, cette façon de s’exprimer traduit aussi une distance entre le langage du colonisé et le langage du colonisateur. Ce qui suggère alors de se demander si la langue française tel que parlée par le colonisé aujourd’hui est-elle encore la langue du colon ?

En somme, à travers son art et son esprit créatif, Armand Gauz a su représenter les deux entités qui ont toujours été opposées au cours de l’histoire de l’humanité. D’un côté, la colonisatrice victime d’un complexe de supériorité, et d’un autre côté la colonisée victime d’un complexe d’infériorité. Ici, il n’est, au fond, plus question de traiter ses deux entités de manière opposée, mais de les inviter à dialoguer ouvertement et sans complexe. En fin de compte, c’est l’humain qui compte !

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