Face à une augmentation significative de la censure des livres aux États-Unis, l’Association des Bibliothèques Américaines a signalé un nombre record de tentatives d’interdiction de livres, en hausse de 38 % par rapport à l’année précédente. La majorité des livres retirés des étagères sont écrits par ou sur des membres de la communauté LGBTQ+ et des noirs.
Les 10 principales raisons de la controverse et de l’interdiction des livres
La majorité des livres interdits appartiennent au genre Young adult, ce qui représente plus de 75 % de tous les livres bannis. Les interdictions de livres aux États-Unis sont décidées aussi bien au niveau fédéral qu’au niveau local, et peuvent prendre la forme de retraits de livres de la circulation.
Selon l’American Library Association, l’association américaine des bibliothèques, les livres sont souvent contestés ou interdits pour diverses raisons dont voici les 10 plus importantes :
- Contenu sexuel : 92,5 % des livres contestés contiennent du contenu sexuel
- Langage offensant : 61,5 % des livres contestés sont critiqués pour leur langage
- Inadapté à l’âge du public visé : 49 % des livres contestés sont jugés inappropriés pour leur groupe d’âge cible
- Point de vue religieux : 26 % des livres contestés sont critiqués pour leur point de vue religieux
- Contenu LGBTQIA+ : 23,5 % des livres contestés sont critiqués pour leur contenu LGBTQIA+
- Violence : 19 % des livres contestés sont critiqués pour leur contenu violent
- Racisme : 16,5 % des livres contestés sont critiqués pour leur contenu raciste
- Usage de substances illégales : 12,5 % des livres contestés sont critiqués pour la promotion de l’usage de substances illégales
- Contenu « anti-famille » : 7 % des livres contestés sont critiqués pour leur contenu « anti-famille »
- Point de vue politique : 6,5 % des livres contestés sont critiqués pour leur point de vue politique
Ces raisons reflètent les préoccupations de divers groupes face au contenu des livres. Elles manifestent aussi leurs sensibilités. Cependant, la plupart des contestations n’aboutissent pas à une interdiction réelle. En effet, la majorité des matériaux restent disponibles dans les programmes scolaires et les bibliothèques.
L’interdiction d’auteurs noirs et ses répercussions culturelles
Dans le cadre plus large de la censure des livres aux États-Unis, les auteurs noirs font face à des défis uniques et historiques en matière de répression littéraire. L’American Civil Liberties Union (ACLU) du Massachusetts a mis en lumière quelques livres clés écrits par des auteurs noirs qui ont été ciblés, récemment ou historiquement, pour la censure. Parmi ces livres, on trouve :
Racisme – Une autre histoire de l’Amérique de Ibram X. Kendi
Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage de Maya Angelou,
The Hate U Give – La haine qu’on donne d’Angie Thomas, qui a été contesté et interdit pour avoir soi-disant promu un message anti-police,
L’œil le plus bleu de Toni Morrison
Ces exemples illustrent la longue histoire de la littérature noire comme cible de campagnes coordonnées de censure et de répression, souvent facilitées par des actions ou des inactions des gouvernements locaux, étatiques et fédéraux. Les conséquences de la censure des livres sur la diversité culturelle aux États-Unis sont significatives. La censure peut entraîner une ségrégation culturelle en restreignant l’accès à des œuvres d’auteurs de différentes origines, ce qui nuit à la diversité des perspectives et des expériences représentées dans la littérature. De plus, les tentatives de censure visant principalement les ouvrages abordant des problématiques raciales ou appartenant à des auteurs noirs contribuent à une marginalisation accrue de ces voix dans le paysage littéraire.
La censure dans la littérature : une perspective historique
Depuis au moins, la Renaissance de Harlem, l’écriture noire aux États-Unis a été largement traitée comme obscène, séditieuse et même dangereuse. La censure de la littérature noire aux USA s’inscrit dans un contexte plus large de tentatives de supprimer tout ce qui est en conflit avec les normes blanches établies ou avec quiconque remet en question ces normes.
La censure des livres a une longue histoire, remontant à des siècles. La censure des livres fut une tactique clé du régime nazi, utilisée pour contrôler et limiter l’accès à des idées et des informations qui étaient en désaccord avec leurs idéologies. De nombreux classiques de la littérature ont été censurés dans certains pays pour des raisons variées, parfois obscures. Au 20ᵉ siècle, des œuvres majeures ont été interdites dans le monde entier pour des raisons politiques, religieuses ou idéologiques. Certains des livres les plus connus qui ont été censurés dans le monde incluent :
- 1984 de George Orwell : Censuré dans plusieurs pays pour ses critiques des régimes totalitaires et de la surveillance de masse.
- Le Journal d’Anne Frank : Censuré ou contesté dans certains pays et régions pour ses descriptions franches et son contenu jugé sensible.
- L’Attrape-cœurs de J.D. Salinger : Censuré pour son langage grossier, ses thèmes sexuels et son traitement de la rébellion adolescente.
- Fahrenheit 451 de Ray Bradbury : Ironiquement, ce livre traitant de la censure a lui-même été censuré pour son langage et ses thèmes jugés controversés.
- Les Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain : Souvent contesté pour son utilisation de langage raciste et sa représentation des relations raciales.
La résilience de la littérature d’auteurs noirs face à la censure des livres aux États-Unis
La censure des œuvres d’auteurs noirs a toujours été un phénomène répandu aux États-Unis, mais certains ouvrages ont fini par gagner en reconnaissance malgré les tentatives pour les interdire. Beaucoup d’auteurs noirs ont vu leurs œuvres interdites ou contestées, mais sont aujourd’hui largement salués pour leur contribution à la littérature mondiale. Ces auteurs ont joué un rôle essentiel dans la mise en lumière des expériences noires et dans la promotion de la diversité des voix dans la littérature.
Native Son de Richard Wright a été initialement publié en 1940. Le roman raconte l’histoire de Bigger Thomas, un jeune homme noir de 20 ans vivant dans une pauvreté extrême dans le South Side de Chicago dans les années 1930. Le livre a été confronté à la censure et à la controverse en raison de sa représentation franche des conditions de vie des Noirs américains et de son exploration des thèmes du racisme et de la violence. En 1951, une adaptation cinématographique du roman, réalisée par Pierre Chenal, a été fortement censurée pour sa sortie aux États-Unis. Des scènes ont été coupées ou modifiées, ce qui a altéré la vision originale de l’œuvre. Cependant, une version non censurée du film a été préservée, et le roman de Wright a continué à être étudié et reconnu comme un classique de la littérature américaine malgré les tentatives de censure.
Black Boy de Richard Wright a été confronté à la censure. Publiée en 1945, cette autobiographie a été interdite dans certaines écoles et bibliothèques pour son examen honnête et direct de la vie d’un jeune homme noir dans le Sud ségrégationniste. Le livre aborde des thèmes tels que la violence raciale, la pauvreté et l’aspiration à une meilleure vie. Entre 2000 et 2009, Black Boy a été classé 81ᵉ parmi les livres les plus interdits et contestés aux États-Unis. Malgré ces défis, le livre a continué à être reconnu comme un récit important sur l’expérience noire en Amérique.
Ces exemples illustrent la résilience et la persévérance de la littérature noire face à la censure et sa capacité à s’élever au-dessus des obstacles pour être pleinement appréciée.
Combattre la censure des livres aux États-Unis par l’éducation et l’action citoyenne
La lutte contre la censure peut être menée à travers l’éducation et l’action citoyenne. L’éducation à la citoyenneté mondiale, telle que promue par l’UNESCO, vise à développer chez les individus les compétences nécessaires pour comprendre et agir sur les enjeux mondiaux, y compris la liberté d’expression et la censure. La lutte citoyenne contre la censure et pour la sauvegarde de la liberté d’expression s’exprime de multiples façons. Parmi elles, on retrouve l’organisation de manifestations, le lancement de pétitions, la mise en place de campagnes de sensibilisation et la réalisation d’actions de plaidoyer auprès des instances décisionnelles.
En réponse à la vague actuelle de censure aux USA, des voix de contestation s’élèvent. Les interdictions de livres ont suscité des actions accrues de la part des étudiants sous différentes formes. Des manifestations, des prises de parole lors des réunions du conseil scolaire et la création d’organisations dédiées à la défense de l’accès aux livres ont vu le jour.
Des initiatives comme « The Banned Book Club » ont vu le jour. Il s’agit d’une librairie virtuelle qui vise à remettre à disposition les écrits interdits. L’American Library Association (ALA) s’oppose fermement à la censure et travaille pour garantir l’accès libre à l’information.
L’augmentation des cas de censure des livres aux États-Unis, notamment des auteurs afro-américains, soulève des questions importantes sur la liberté d’expression et la diversité culturelle. Face à ces difficultés, l’endurance des auteurs noirs et l’action des communautés noires pour garantir l’accès à une littérature diversifiée mettent en évidence une lutte constante pour une représentation authentique et large dans le domaine littéraire.