Notre découverte du jour, nous est proposée par l’auteur Honoré Fouhba. Publié aux Éditions Ifrikya en août 2016, l’ouvrage s’intitule Les salles de cinéma au Nord-Cameroun : Des implantations aux transformations.
Honoré Fouhba est un chercheur au département des Arts, Religions et Civilisations du Centre National d’Éducation au sein du Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation. Sur un ensemble de 156 pages, l’auteur livre une analyse de la naissance et de l’évolution des salles de cinéma dans les trois régions qui constituent le Nord-Cameroun.
Dans son ouvrage, l’auteur revient sur l’histoire du cinéma et de la cinématographie en général au Cameroun. Son étude est structurée autour de six chapitres.
Dans le premier chapitre, il nous livre une présentation des salles de Cinéma du Nord-Cameroun. De l’Extrême-Nord à l’Adamaoua en passant par le Nord, Honoré Fouhba nous présente les salles de Cinéma qui y ont été actives. Dans l’Extrême-Nord, il note la présence des salles de cinéma Le Diamaré à Maroua, Wal Ngania à Kousséri et Adaptousia à Yagoua. Dans le Nord l’auteur nous dresse le parcours des salles de cinéma L’Etoile et Le Ribadou à Garoua, Le Mayo-Louti à Guider. Et dans l’Adamaoua, nous avons le cinéma Le Nord puis L’Adamaoua.
Toutes ces salles ont connu à quelques exceptions près un destin commun. À leur création, elles ont connu de fulgurants succès. Leur arrivée à partir de 1955 a constitué une réelle révolution pour les populations environnantes de la zone septentrionale du pays. Elles apportaient un souffle nouveau aux populations qui y trouvaient une réelle révolution culturelle. C’était un lieu de retrouvaille, de divertissement et de découverte. En outre, ces salles étaient là dans le but de créer l’amour du cinéma chez les populations. Cet objectif a été accompagné d’une volonté de divertir tout en conscientisant les populations, mais aussi pour gagner de l’argent. En effet, le cinéma est tout abord une activité commerciale et pour les exploitants des salles, il s’agit d’y investir de son temps et de son argent dans l’ambition d’en gagner davantage.
Ces salles étaient tout d’abord une activité commerciale ; de ce fait, le choix de leur lieu d’implantation n’était guère fait à la légère ; il s’agissait d’opter pour un emplacement stratégique pouvant drainer le maximum de personnes possible et par ricochet rentabiliser le commerce.
L’auteur revient également sur la portée historique des noms de ces salles de cinéma. Il montre comment le choix de tous les noms de ces salles faisait partie de la stratégie commerciale de leur exploitant. Ces noms avaient une portée historique ou géographique.
» Ahmadou Ahidjo, premier président de la république du Cameroun a utilisé les salles de cinéma du Nord-Cameroun comme moyen de propagande politique pour se présenter à ses pairs comme le bâtisseur du pays, ses actions y étant vues tous les soirs. Ce qui, dans une certaine mesure, aurait permis au président Ahidjo de gagner la confiance du Nord de telle enseigne qu’à son départ, ses partisans ont pensé le chaos.
Dès les premières années de son accession au pouvoir, le président Paul Biya va aussi utiliser les salles de cinéma à travers « Cameroun-Actualités », pour se présenter aux publics du Nord comme l’homme qui poursuit de la meilleure manière, les actions de celui qui lui a légué le pouvoir. » P.59
Dans le second chapitre, Honoré Fouhba analyse les enjeux socioéconomiques et politiques de la création des salles de cinéma au Nord-Cameroun. Il nous décrit là l’âge d’or du cinéma camerounais dans la partie septentrionale du pays. Il montre comment les salles de cinéma jouaient un rôle prépondérant, tant dans le fonctionnement de l’économie du pays que dans l’éducation du citoyen. Ces salles furent une source rentable aussi bien pour l’État qui, hormis les taxes qui lui étaient reversées, y a vu un moyen de mobilisation et de propagande. Le citoyen, lui, y voyait un moyen d’instruire, informer et de divertir la population. Les exploitants quant à eux y ont trouvé leur mine d’or.
Le chapitre suivant met en exergue le succès et les usages de ces salles de cinémas. L’auteur revient sur les circonstances qui ont conduit à ce succès. Il évoque ainsi la rareté de lieux de loisirs, la nature des films qui étaient proposés au public, tout ceci en plus des stratégies commerciales plus haut citées.
Dans le chapitre quatre, le lecteur découvre des trésors du passé. Il apprend qu’il fut un temps où le cinéma a fait d’heureux élus dans la société camerounaise. Une époque où les salles de cinéma ont constitué d’importante source de revenue pour leur exploitant. Un temps où l’exploitation des salles de cinéma était un secteur de richesse qui a contribué à l’ascension sociale et politique de leur propriétaire. À titre illustratif, l’auteur livre une biographie sommaire de deux exploitants des salles de cinéma au Nord-Cameroun; à savoir Fayçal Mourad exploitant du cinéma Le Diamaré et Alamdou Pierre exploitant du cinéma Karnou.
Le chapitre cinq nous sort de notre nostalgie et nous plonge dans la triste réalité que nous connaissons aujourd’hui : la fermeture des salles de cinéma. Ce chapitre présente les mobiles et les enjeux de cette fermeture. Il fait ainsi cas de nombreuses causes qui sont entre autres la crise économique.
Le dernier chapitre fait miroiter un soupçon d’espoir. Honoré Fouhba analyse des initiatives qui sont menées dans le but de transmettre cette habitude d’aller voir des projections cinématographiques. En effet, suite au déclin des salles de cinéma, de nouvelles formes de salles de cinéma sont nées ; les vidéos clubs et par la suite le cinéma numérique ambulent (C.N.A). Cependant, la difficulté avec ces vidéos clubs est qu’ils échappent à tout contrôle de l’État sur leur fonctionnement et sur le choix des films qui sont diffusés. Devenus davantage des refuges de délinquants et des lieux de perdition pour la jeunesse, fort de ce constat, l’État, par l’entremise du ministère de la Culture a le 18 octobre 1995 procédé à l’interdiction de toute exploitation cinématographique en vidéos club sur le territoire camerounais.
Les salles de cinéma au Nord-Cameroun est un ouvrage dont la profondeur de l’analyse captive le lecteur. L’actualité de la problématique ici exposée constitue un important centre d’intérêt. Grace aux photos qui parsèment l’ouvrage, le lecteur, jeune ou vieux, a l’opportunité de visualiser ce passé avec ses bâtiments et ses figures afin de mieux imaginer le cinéma de demain.
À tout passionné du cinéma, je recommande vivement cette lecture. Elle vous permettra de mieux appréhender les enjeux esthétiques, techniques et patrimoniaux du cinéma contemporain camerounais, africain en général.