« Littérature, médias et technologies numériques » : une invitation à une nouvelle approche des études littéraires

par Rosine Dayo
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Littérature, médias et technologies numériques une invitation à une nouvelle approche des études littéraires

Notre lecture du jour est un ensemble de textes critiques réunis par Robert Fotsing Mangoua à l’issue d’une journée d’étude organisée par l’Equipe de Recherche en Littérature Comparée (ERLIC) de l’université de Dschang au Cameroun. Publié aux éditions Ifrikiya en juillet 2016, Littérature, médias et technologies numériques est un ouvrage qui invite le lecteur à une nouvelle dimension de la recherche en études littéraires.

Ecrire et lire, dans un contexte moderne influencé de manière considérable par les nouvelles technologies de la communication, prennent de nouvelles formes. L’ouvrage se propose de revisiter l’espace littéraire dans l’optique de définir dans le contexte contemporain ce qu’est un écrivain et en quoi son travail consiste. Quelles transformations subit l’acte de lecture au vu du nombre de surfaces virtuelles sur lesquelles le texte est désormais accessible ?

 

De l’intermédialité dans les textes littéraires

La première partie de l’ouvrage consiste en l’étude de textes littéraires. Il est question dans ces corpus d’illustrer l’intermédialité qui y est inscrite ; ceci par l’interprétation d’outils numériques et médiatiques utilisés par les auteurs dans l’écriture de leur création. Ces différents auteurs appartiennent à des époques et espaces différents les uns des autres. Il est donc intéressant d’analyser les méthodes d’écriture dont ont fait preuve chacun d’eux afin de représenter le contexte historique dans lequel leurs œuvres ont été produites, en prenant notamment en considération l’influence qu’ont eu les progrès scientifiques et techniques dans l’univers de la création littéraire. L’intermédialité dont il est ici question se matérialise dans la littérature au travers du choix des thématiques, de l’identité des personnages, de l’espace, du décor.

Mathusalem Nganga ouvre l’analyse par sa communication qui s’intitule Henri Lopes et les dispositifs artistiques dans Le Lys flamboyant (Seuil, 1997). Dans ce roman, trois principaux médias sont personnalisés. À ce propos, le critique écrit :

« La musique est au premier plan de l’histoire et s’impose dans tout le roman comme un véritable album que le lecteur écoute gracieusement […] En dehors de la musique, d’autres médias visuels sont présents dans ce roman. Il s’agit des médias purement visuels à savoir la photographie et le cinéma qui mettent un accent particulier sur l’œil. Ces deux dispositifs artistiques se croisent et attribuent un caractère visuel à l’œuvre de Lopes».

 

Dans l’article suivant, Chantal Bonono avec le roman de Maurice Druon, Rois maudits (Del Duca, 1955livre une analyse du Roman historique et l’intermédialité. Au travers de l’architecture, la peinture, la sculpture, l’orfèvrerie, la photographie et le cinéma qui sont autant de formes artistiques présentées dans ce roman, Chantal Bonono donne une interprétation de l’intermédialité qui y est décrite. Elle revient en outre sur la définition même de l’intermédialité telle qu’énoncée par Silvestra Marinello :

« On entend l’intermédialité comme hétérogénéité ; comme conjonction de plusieurs systèmes de communication et de représentation […] comme emprunt ; comme interactions de différents supports ; comme  intégration d’une pratique avec d’autres, comme adaptation, comme assimilation progressive de procédés variés, comme flux d’expériences sensorielles et esthétiques […] ».

Alain PENKA NDASSI dans sa contribution propose aux lecteurs une initiation à des néologismes dont le principal est celui de la médiascripture. Dans l’œuvre d’Alain MABANCKOU Lumières de Pointe-Noire (Seuil, 2013) l’auteur met en exergue un ensemble d’éléments intermédiatiques qui semble de plus en plus intégrer l’univers littéraire. Il analyse les procédés qu’utilise le romancier pour esthétiser la rencontre entre le texte et l’image de manière que le lecteur soit porté à se demander s’il est question d’un roman ou alors d’un album.

Dieudonné MBENA nous amène quant à lui dans une analyse transmédiatique. Il analyse l’écriture de la sculpture chez les romanciers du XIXe siècle. Comme corpus, l’auteur s’est intéressé à l’œuvre de Victor Hugo, Notre Dame de Paris. Il étudie en effet les procédés employés par l’auteur pour ressusciter au travers de son texte l’histoire de la construction de la cathédrale Notre Dame de Paris.

NGETCHAM quant à lui interroge la posture du critique face à cette écriture, transmédiatique. Il relève la nécessité d’une polyvalence sensorielle chez le lecteur :

« Le critique doit donc, par une polyvalence désormais nécessaire, jouer de tous les instruments de décodage des arts, des médias et des sciences qui, à la faveur de la pictographie, se manifestent sur la page du livre ».

Catherine Marie Ida AWOUNDJA NSATA clôture la partie portant sur l’esthétique des textes en interrogeant la pratique de l’intermédialité cette fois-ci dans des textes poétiques. Dans une perspective comparatiste, elle met en rapport deux classiques de la littérature africaine, à savoir : le Sénégalais Léopold Sédar Senghor avec son titre À New York et le Camerounais Francis Bebey avec Concert pour un vieux masque.

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Littérature et numérique

La 2ᵉ partie s’intéresse au hors texte. Elle analyse la littérature et le numérique comme faits sociaux  et interroge les changements qui se sont opérés au niveau des conditions de production et de consommation du livre.

Maurice MBAH ouvre le débat en interrogeant l’avenir du livre sous forme papier à l’ère du numérique. Entre complémentarité et conflit se situe le débat.

Daniel HOULI invite à la définition du texte numérique ; il présente la distinction entre un texte numérisé et  un texte numérique. En analysant la spécificité et le parcours de ces deux formes d’écriture, il ressort cette observation que le texte numérique est par nature hybride, dynamique et interactif. « De texte à lire, il devient… Un spectacle à voir, à regarder, à écouter, à écrire ».

Robert FOTSING MANGOUA conclut en présentant les opportunités qu’offre le numérique dans la sauvegarde des mémoires. Il s’attèle à démontrer comment l’internet redonne vie à quatre auteurs camerounais disparus à savoir Mongo Béti, Francis Bebey, Réné PHILOMB et Ferdinand OYONO. Le critique analyse les nouvelles formes et modalités d’existence de ces écrivains disparus.

En ce début du XXIe siècle où l’espace littéraire ne peut faire la sourde oreille face aux changements qui s’opèrent tout autour de lui, il est nécessaire de repenser le phénomène littéraire. Cet ouvrage est un véritable vivier de données nouvelles et de défis pour la littérature africaine. Faites-y un tour, vous n’en serez que ravis.

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