Dieudonné Gnammankou Alcali: « On ne peut pas sans la littérature amorcer un mouvement de renaissance »

par Patricia Nya Njaounga
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Dieudonné-Gnammankou-Alcali-SILYA-2016

Dieudonné Gnammankou Alcali, historien, écrivain, traducteur littéraire, éditeur (Dagan Éditions) et conférencier béninois évoque ses œuvres sur « Pouchkine » qui ont fait son succès, et appelle à une renaissance africaine par la littérature, lors de la 2ᵉ édition du salon International du Livre de Yaoundé (SILYA).
Est-ce qu’à l’époque de la publication de vos livres, vous vous attendiez à un tel résultat favorable, à un tel bouleversement ?

Non je ne m’y attendais pas du tout. Déjà « Pouchkine et le monde noir », je l’ai écrit en 1999 avec un groupe d’auteurs et de chercheurs à qui j’avais fait appel parce que justement, il fallait montrer l’importance de l’Afrique dans la vie et dans l’œuvre de Pouchkine. Et trois ans avant, j’avais écrit la biographie d’Abraham Hanibal, « Abraham Hanibal, l’aïeul noir de Pouchkine ». Les deux livres sont parus aux éditions Présence africaine à Paris. Non, je ne pouvais l’imaginer. Vous savez, comme tout auteur qui écrit un livre, on espère que son livre va avoir du succès, mais on n’est jamais sûre, ni de la réaction du public, ni si la presse va être intéressée et en parler. J’ai été agréablement surpris par une bonne réaction dans les médias, de bonnes critiques littéraires et puis surtout en Russie. Des chercheurs russes qui travaillent sur cette question-là, ont fait un très bon accueil des résultats de mes travaux. Par contre, j’étais loin de m’imaginer des enjeux qu’il y avait autour de mes recherches, de ce travail sur Pouchkine que je faisais, et comment j’allais bouleverser des mentalités.

En tant qu’écrivain, qu’est-ce qui a été le plus difficile, la recherche ou la perception du livre par les lecteurs et les pairs ?

Les recherches ont été difficiles à faire parce que quand je suis parti en France après mon master en Russie, je n’étais plus boursier du gouvernement béninois. Il fallait trouver un boulot, mes parents m’aidaient un peu. Ces périodes-là étaient difficiles et il a fallu quatre années de recherche pour écrire le livre. Heureusement, j’ai eu trois amis généreux qui m’ont aidé à payer les billets d’avions pour partir en Russie, en Ukraine, en L’Estonie, et en Turquie. Les difficultés sont parfois de nature inattendue.
Par rapport au public, j’ai eu la chance que mon livre ait été bien accueilli, que ce soit en France où il est sorti, ou par la presse africaine. Mon livre a eu un bon accueil en Angleterre alors qu’il était en français, les média en Russie ont donné une large couverture à mon livre, à mes travaux.  Il y a même eu un projet d’adaptation de mon livre au cinéma, mais le problème qui reste posé est celui du financement puisque cela demande plusieurs millions d’euros.

Quel est votre avis sur la question de la littérature et la renaissance africaine ?

Le mouvement de renaissance africaine qui s’est amorcé aujourd’hui ne peut pas se faire sans une littérature dédiée et consacrée à cela. Une littérature qui est claire des africains, qui leur montre la voie à suivre, qui les aide à se découvrir eux-mêmes. La renaissance européenne s’est faite aussi de la même façon. On ne peut pas sans la littérature amorcer un mouvement de renaissance. C’est-à-dire que les écrivains occupent une part importante dans ce processus, parce que la littérature contribue à l’éveil des consciences, à la formation individuelle, à l’élargissement de la culture générale de l’individu. Et la renaissance ne peut pas se faire sans une connaissance de soi-même, sans une connaissance de son histoire, de son passé, des apports de nos ancêtres à l’universel. C’est donc la littérature qui peut apporter ce savoir-là. La production autonome de la connaissance et du savoir ne peut se faire que par le biais d’institution d’éditions africaines, d’organisme, de maisons d’édition africaines qui publient des auteurs africains. Tous les écrivains africains devraient comprendre que la tâche qui est la nôtre de par notre histoire est différente de celle que rencontrent les écrivains européens, asiatiques ou américains. Nous avons d’autres enjeux en face de nous et il nous revient de mettre cela en avant afin de participer au mouvement de renaissance africaine.

Quelles opportunités l’Afrique peut avoir en développant l’industrie du livre ?

Les enjeux pour l’Afrique sont très importants. L’industrie du livre, c’est l’un des défis majeurs que doit relever l’Afrique dès maintenant ou dans les prochaines années. Mais il ne s’agit pas de développer une industrie du livre pour submerger l’Afrique de livre écrit par les autres sur l’Afrique, pour submerger les africains d’une littérature qui n’abordent pas les besoins, les questions importantes pour les africains d’aujourd’hui, et qui ne provoque pas une décolonisation mentale des africains. L’industrie du livre doit nous permettre une autonomisation dans la production littéraire, dans celui des savoirs scientifiques, dans leurs publications, dans leurs promotions, leurs diffusions, leurs distributions. Elle doit permettre la création de structures dédiées à cela, de grandes sociétés de distribution régionale, sous régionale et continentale du livre. Elle doit également permettre la création de grandes librairies, de bibliothèques, de centres de documentations dignes de ce nom afin que les africains, où qu’ils soient, puissent avoir accès à l’information.

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