L’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence du Sénégal marque un tournant historique dans la politique africaine. Il est le plus jeune président jamais élu dans l’histoire du pays. Sa victoire, en plus de symboliser pour beaucoup l’avènement d’une nouvelle ère empreinte d’espoir et de renouveau, remet la polygamie au cœur des débats.
Fervent défenseur des “valeurs africaines traditionnelles”, Diomaye Faye n’a pas hésité à afficher publiquement sa polygamie, pratique culturelle encore enracinée dans de nombreuses sociétés africaines, surtout au Sénégal. Cette affirmation sans complexe de son statut matrimonial a été saluée par une majorité de ses compatriotes, voyant en lui un leader qui embrasse pleinement son héritage culturel, tout en se projetant vers l’avenir.
Cependant, cette célébration de la polygamie par une figure aussi influente soulève des questions complexes sur les dynamiques de genre, les droits des femmes et les traditions dans le contexte africain contemporain.
L’occasion pour Afrolivresque de se pencher sur les récits et les témoignages issus de la littérature sénégalaise, qui, depuis des années, offrent une exploration nuancée de la polygamie.
La polygamie, en tant que système relationnel et familial, est codifiée au sein de nombreuses cultures africaines, dont celle du Sénégal. Si elle représente un choix de vie pour certaines femmes, il est important de rappeler que pour d’autres, elle s’inscrit dans un contexte de dynamiques de pouvoir et d’inégalités de genre.
Ces auteurs sénégalais, à travers leurs œuvres, fournissent des perspectives critiques sur les implications de cette pratique sur les couples, les familles ainsi que sur la société dans son ensemble.
La liste de recommandations de livres qui suit met aussi en lumière le talent des voix littéraires, sénégalaises, des classiques aux contemporains. Les livres de cette liste peuvent aider à amorcer une réflexion plus poussée sur les valeurs que nous choisissons de célébrer et les impacts de ces choix sur l’équilibre social.
1- Riwan, ou, Le chemin de sable de Ken Bugul
Résumé : Dans un récit bouleversant et puisé aux sources d’un vécu authentique, ce livre raconte des destins croisés de femmes africaines prises dans des relations monogamiques » modernes « , ou » polygamiques traditionnelles « . Intellectuelle » évoluée » sans vraiment être heureuse de l’être, malgré de grandes illusions initiales, la Narratrice-Personnage devient la 28e épouse d’un marabout dont elle s’était d’abord prise d’amitié et qui habite un village quelque part dans le centre du Sénégal. Mariage qui ne sera rompu que par la mort de ce dernier. À travers la quête éperdue du personnage central pour retrouver une identité reconstruite, apaisée et réconciliée avec elle-même, il y a pour la première fois une réflexion lucide et sans complaisance sur le féminisme. Beaucoup de préjugés, d’opinions reçues sur la condition des femmes africaines sont bousculées, disséqués sans pitié. Dans ce Chemin de sable dont l’auteur nous invite à suivre la trace, il y a une réflexion paradoxale et courageuse sur les traditions africaines, sur la polygamie, sur la monogamie, l’aliénation, la séduction, la vie et la mort. Qu’il soit ravi ou offusqué, aucun lecteur ne sort intact de cette lecture, car jamais une romancière africaine n’est allée aussi loin dans l’assomption totale de sa féminité. Hamidou DIA
2- Xala d’Ousmane Sembène
Résumé : En l’opulent personnage d’El Hadji Abdou Kader BEYE ce sont les nantis, les nouveaux riches, les « hommes d’affaires », bref la nouvelle bourgeoisie aux dents longues creusant sa place au soleil, qui sert de cible à Ousmane Sembène. Mais ce puissant quinquagénaire, au soir du mariage avec sa troisième femme, se découvre mystérieusement impuissant. Il a le Xala. Alors commence la passion dérisoire d’El Hadji : les amis, tout d’abord compatissants, s’éloignent, goguenards puis méprisants ; la belle-famille, avide, complote ; sa propre famille l’exploite ; les banquiers font la sourde oreille ; les affaires périclitent ; c’est la faillite. Tout cela à cause de ce Xala, de ce sort qui le frappe, châtiment d’une faute ancienne contre les plus pauvres de ses concitoyens. La fin du livre ― moment ultime de cette passion du mauvais riche ―, d’un baroque cruel, a la grandeur sacrilège d’une séquence du cinéaste Luis Buñuel.
Dans la lignée de son précédent roman, Le Mandat, Ousmane Sembène, avec Xala, témoigne d’une observation aiguë de la société urbaine dans son évolution en Afrique de l’Ouest.
3- Celles qui attendent de Fatou Diome
Résumé : Arame et Bougna, mères de deux fils partis clandestinement pour l’Europe, ne comptaient plus leurs printemps ; chacune était la sentinelle vouée et dévouée à la sauvegarde des siens, le pilier qui tenait la demeure sur les galeries creusées par l’absence. Coumba et Daba, les jeunes épouses, humaient leurs premières roses : assoiffées d’amour, d’avenir et de modernité, elles s’étaient lancées, sans réserve, sur une piste du bonheur devenue peu à peu leur chemin de croix. La vie n’attend pas les absents : les autours varient, les secrets de famille affleurent, les petites et grandes trahisons alimentent la chronique sociale et déterminent la nature des retrouvailles. Le visage qu’on retrouve n’est pas forcément celui qu’on attendait…
4- Une si longue lettre de Mariama Bâ
Résumé : Une si longue lettre est une oeuvre majeure, pour ce qu’elle dit de la condition des femmes. Au coeur de ce roman, la lettre que l’une d’elle, Ramatoulaye, adresse à sa meilleure amie, pendant la réclusion traditionnelle qui suit son veuvage.Elle y évoque leurs souvenirs heureux d’étudiantes impatientes de changer le monde, et cet espoir suscité par les Indépendances. Mais elle rappelle aussi les mariages forcés, l’absence de droits des femmes. Et tandis que sa belle-famille vient prestement reprendre les affaires du défunt, Ramatoulaye évoque alors avec douleur le jour où son mari prit une seconde épouse, plus jeune, ruinant vingt-cinq années de vie commune et d’amour.La Sénégalaise Mariama Bâ est la première romancière africaine à décrire avec une telle lumière la place faite aux femmes dans sa société.
5- Polygamie, la douleur des femmes de Ba Awa
Résumé : « J’aimerais qu’on me présente une femme qui a « »choisi » » délibérément la polygamie sans y être contrainte, par une famille, les circonstances, la société, la tradition… Bien évidemment que les femmes subissent la polygamie, et que cette vie engendre pour elles de la douleur, de la tristesse, des drames. Bien sûr qu’elles s’en plaignent dès qu’elles le peuvent. Mais que dit-on aux femmes qui se plaignent ? « »Mougneul » », c’est-à-dire « »supporte » », c’est l’empire de l’homme-roi. » Et c’est contre ce « mougneul », cette invitation au silence, que s’élance l’essai d’Awa Ba qui, par-delà les discours de la tradition, met en lumière la réalité polygame et son cortège de souffrances familiales, psychologiques, physiques… Et plus qu’une plaidoirie contre ce destin conjugal que l’on impose souvent à de très jeunes femmes, cet essai déterminé et sans concession pointe une pensée masculine intolérable, souvent hypocrite, égoïste et lâche, qui se cache derrière des principes qui, pour être séculaires, n’en demeurent pas moins archaïques et sources de violence. Un texte qui se veut enfin le moyen de lancer l’action d’EFAPO, association qui a pour but d’informer sur tout ce que la polygamie a d’effroyable et de mortifère.
3 Commentaires
Toutes les traditions ne sont pas bonnes à suivre ! Au XXI siècle, une femme peut vivre par elle-même ; elle n’a plus besoin d’être assumée par un homme, ce qui est la légitimation de la polygamie dans le Coran. Ne pas laisser une femme seule sans maison… le Coran est sur ce sujet très clair : ce que Dieu préfère c’est la monogamie. Si on prend le temps de le lire. À l’époque du Prophète, la limitation à 4 femmes, et l’obligation de rendre ses biens a une femme répudiée, étaient de remarquables avancés dans la condition féminine. Au XXI siècle, la polygamie n’est plus une nécessite charitable. De plus, le dernier recensements de la population sénégalaise montre qu’il y a dans ce pays plus d’hommes que de femmes…
La polygamie est d’essence divine est acceptée par les femmes – musulmanes je précise. Elle ne remet pas en cause les fondements de l’Etat même si ça fait grincer les dents des lobbys aux visées inavouables. Merci pour cette sélection de livres même si le choix est orienté
Merci à vous de nous lire !