« Aux Hommes de tout… » de Nkul Beti : Pour une néo-dialectique de la relation

par Charles Gueboguo
Offrir un verre à Afrolivresque
Aux hommes de tout-Nkul Beti (1)

Le recueil de Nkul Beti est composé de 33 poèmes. Ce qui suggère qu’il s’offre comme un arrêt sur image sur « trente-trois lunes de misères » d’un dictateur Africain. « Biya, 4 novembre 82./ Seule personne/ À qui l’on chante/ L’Essani de son vivant ! » L’essani, mélopée funéraire, destinée aux notables qui viennent de mourir. Mais il ne s’agit là que d’un prétexte pour mieux s’ouvrir aux mondes. Pour sortir du confinement idéologique : à « Chaque I do so swear de cet apprenti sorcier, / Me pousse hors des frontières du siège de la gouvernance par étranglement, mon pays, / Et me rapproche du tout-monde ! » Pour rentrer dans la relation.

L’auteur donne subtilement à savourer une poétique de son devenir-sujet, en même qu’un appel au devenir-sujet de tous, tel qu’illustré par le poème « La Samuela! » Elle est « Prisonnière de la manipulation sans parole ». Nkul lui suggère, manière de libération : « Si tu sens que cette croix te blessera la colonne vertébrale, / Laisse-la tomber, tu n’es pas le Christ pour sauver l’univers./ Parle, dénonce, accuse./ Ne te laisse pas museler : crie Samuela ! »  L’action de l’auteur est éminemment politique. C’est-à-dire qu’il est intéressé à vouloir se sortir et à sortir les autres de tous les diktats. Un espace différentiel ainsi créé par le poète. Entre lui, et l’autre. L’Afrique, et les autres. Dans le respect. Dans le partage. Dans la « différAnce… qui ouvre l’apparaître et la signification » (Derrida). Cet espace de la relation est doté d’une puissance tournée vers un futur ouvert et saturé de possibilités créatrices culturelles. Elles sont omnivores et stratégiques. Elles se nourrissent à partir d’un point centrifuge : « Ongola ».  C’est le texte qui établit le point rhizomatique de tout le recueil. Ongola, qui comme de nombreuses cités africaines, est « Prisonnière de l’homme lion ». « Son sauveur est en route, Nkul ! »

Nkul. C’est le tam-tam. C’est la voix qui, en se déroulant, ne vouvouzèle pas. Avec les loups, Beti ne crie pas. Nkul Beti, s’écrie, aux loups !  Il se déploie dans sa sonorité. Pour s’ouvrir. À l’Afrique. Aux Caraïbes. À l’Europe. Aux Amériques. Au monde.

Nkul. C’est sa plume. Elle n’a de sens et de puissance que par son désir constant de dénoncer, certains pans malades de cette Afrique. Afin que s’ouvre : « Le début d’un nouveau livre ! » Sa nouvelle chose Afrique. Le recueil permet ainsi d’irradier, à partir des histoires de l’Afrique comme point de départ, le tout-monde : La plume Nkul Betienne annonce son entrée dans la mondialité glissantienne. Avec style !

Le style Nkul Beti s’ouvre en un « Je » dialogal. Ici, en s’adressant à ses anciens pairs, les « soutaneux », il dit sans ambages : «  Je suis le balayeur du monde !/… Qui blâme sans manière, sans façon, mais avec bigrement de style !/ Si je réprimande Dieu, votre roi, / Vous réprimez est un énorme hochet d’enfant. » Là, dans « Hostie » il assène péremptoire : « J’étais chrétien… » C’est-à-dire Catholique, Romain. Il enterre son passé d’ancien séminariste. Le poète entérine son refus d’être consacré à la prêtrise catholique. Il y était pourtant voué. On a versé une larme ! Hypocrites ! Entre deux souffles. Il clame : « J’écris en majuscule sur le temps ! », et parfois à contre-temps des canons. Sa plume fougueuse déplace les multiples problématiques des sociétés vers des modes plurielles de luttes. Sous divers fronts. Telle une mangrove, elle sature les espaces géographiques.

Nkul Beti dans ce chef-d’œuvre dès son ouverture n’a pas caché son ambition de faire champ. Avec l’autre. Les autres. Les penseurs dont ils se réclament. Confiant, Philombe, Chamoiseau, Mongo Beti, Dadié, Damas, Chinua Achebe, Césaire… Vous ! Moi ! Nous ! Avec doigté, il a su se réapproprier la poétique de la relation de Glissant. Il est devenu citoyen-monde. Un homme de tout, surtout. Une fine plume, certainement. Pour la littérature francophone.

Informations sur le livre

Editeur : La Doxa Editions

ISBN : 9782376380085

Date de parution : 5 décembre 2016

Télécharger la version longue de la note critique [download id= »5793″]

Bissap, tisane ou café ?

Soutenez Afrolivresque

Laisser un commentaire

* En utilisant ce formulaire, vous acceptez le stockage et le traitement de vos données par ce site web.

Vous pourriez aussi aimer

À propos

Afrolivresque LogoL’Afrique au creux des lettres

 

Liens utiles

Newsletter

À la une