L’enfant noir est le premier roman de Camara Laye. Il a été publié en 1953, aux éditions Plon à Paris. Un an après sa publication, il a reçu le prix Charles Veillon. Ce roman autobiographique s’est érigé en classique littéraire de notre temps. D’ailleurs, cette casquette lui vaut d’être réédité, au fil des ans, par maints éditeurs.
Camara Laye célèbre la femme guinéenne mieux, africaine via sa mère. Il narre également l’insouciance de l’Afrique. Son écriture est dense et fluide, mais dénuée de toute esthétique de la protestation. Il refuse de voir les choses comme Bernard Dadié ou encore Mongo Beti, ses pairs qui se servent de la littérature comme instrument d’engagement politique, de dénonciation et donc de protestation. D’ailleurs, dans son article « Afrique noire, Littérature rose », Mongo Beti qualifie L’enfant noir de « littérature rose » donnant « une image stéréotypée de l’Afrique et de l’africain ». Selon l’écrivain Franco-Camerounais, le Guinéen n’a pas mis en valeur ce que Ngugi Wa Thiongo appelle la « dimension noire ». En effet, la dimension noire se veut une peinture des réalités africaines sans complaisance, en tenant compte de l’histoire de l’Afrique en rapport avec celle du monde. Camara Laye pose donc un acte révolutionnaire, en s’engageant à rendre seulement à l’Afrique son humanité en pleine période de lutte anti-coloniale, plutôt que de s’inscrire dans la protestation. Il dépeint l’Afrique, mais dans une « dimension rose ». Autrement dit, une manière d’apologie à la tradition que Beti considère comme une épine pour l’émancipation de l’Afrique.
En réalité, Camara et Mongo sont l’expression des extrêmes de l’art littéraire. Le premier personnifie l’extrême du romantisme africain, voire, un engagement humanisant. En revanche, le second est l’extrême d’un engagement dans la protestation pour un changement sociopolitique. Mais aujourd’hui, l’objectif est de concilier ces frontières. Autrement dit, une écriture mâtinée serait salvatrice parce qu’elle présenterait concomitamment les deux faces du continent : sa face « noire » et son humanité. Par conséquent, cette écriture-là serait donc une valeur ajoutée aux esthétiques des littératures Africaines.
« … Enfant noir » donne à lire une manière de rencontre entre la tradition et la modernité. Dans notre contexte, la tradition demande à être déconstruite pour être toujours re-construite. Elle peut être désuète, mais sa re-construction permanente faciliterait le recevoir de la modernité sans imbroglio. Ladite modernité ne se limiterait donc plus seulement aux innovations technologiques. Elle serait une action-logique dont le ciment répondrait aux exigences de l’instant. Et les résultantes de ses réflexions, seraient la garantie de l’épanouissement des sujets-humains impliqués dans l’à-venir. En effet, le philosophe Njoh Mouelle ne radote point lorsqu’il affirme que : « la modernité doit être, non pas une simple question d’adaptation formelle au présent, mais un souci d’amélioration réelle de la condition humaine ».
In fine, L’enfant noir mérite de conserver sa place à la fois, dans la « colonial library », pour parler comme Mundimbe, et les bibliothèques du monde : il a encore à dire !