Deuxième volet d’une trilogie, ce roman de Marie Ange Evindissi est un rendu anthropo-ethnologique, ficelé à partir des outils références sociohistoriques, sur les Fongs : une peuplade d’Afrique Centrale.
Le choix de retracer les trajectoires et les pérégrinations de cette peuplade est le paravent à partir duquel la romancière camerounaise portraiture l’historiographie du « roi Essono Bidja » p.54- une figure historique importante pour les Fongs comme Charles Atangana pour les Ewondos au Cameroun et/ou Léonidas 1ᵉʳ pour les Spartiates-les lacédémoniens.
L’intrigue est bâtie tout autour de deux protagonistes : Otto Von Kampf (représentant des Prussiens) et Essono Bidja (guide illuminé des Fongs). Ils se rencontrent, se confrontent presque, chacun cherchant à imposer à son vis-à-vis les pratiques (religieuses, socioculturelles etc.) qui constituent l’intériorité psychosociologique et humaine du groupe social auquel il appartient.
« Mimela jeta une poignée de cauris au sol, ramassa l’un d’eux et l’examina attentivement. Il leva la tête, l’air interloqué, sembla hésiter et finit par se décider à dévoiler à son visiteur la raison de son étonnement. » p.145
Marie Ange Evindissi élabore un ethos de matière textuelle qui construit un univers social dans lequel est projetée en avant une histoire : l’abattage de l’arbre Totem de Douma pour la construction d’une route ; Jean Pliya a utilisé le même symbole (arbre Totem) pour faire de la rencontre des cultures le thème discursif central dans L’arbre Fétiche (1974, Éditions Clé). Chez Evindissi, en réalité, ladite histoire est le simili, qui lui permet de bien échafauder la trame de son récit, qui dépeint le jeu de représentation du choc culturel et des différents conflits d’intérêts qui se dévoilent graduellement tout au long de la narration. Avançons !
Dans cette aventure romanesque, la mise en scène de l’affrontement interculturel, comme représenté également chez Ngugi Wa Thiongo dans Rivière de vie (2000, Présence Africaine)– quand le jeune Waiyaki est confronté à faire un choix entre les modèles traditionnels de ses aïeux et le nouvel enseignement des missionnaires (Occident)- offre la lisibilité des différents enjeux (économiques, politiques, sociologiques, religieux etc.) qui sont pris en charge dans le processus mécanisme du brassage culturel. Et ce faisant, les intérêts ou les dommages collatéraux qui escortent la promotion de la communication interculturelle : la rencontre de l’Autre (l’autre soi). Plus amplement, en assurant et en assumant la traçabilité de l’itinéraire (au sens latin itineris, le chemin) historique, voire culturel du peuple Fong, l’acte d’écriture d’Evindissi devient, dès lors, une contribution dans l’élaboration de la structure de ce que Valentin-Yves Mudimbe appelle : « colonial library » (bibliothèque coloniale). Ce fait littéraire, entièrement tourné vers une quête des signes qui présagent l’avenir en explicitant le passé, s’engage dans l’exploration de la problématique de la mémoire, de la trace et de l’identité.
En substance, Les exilés de Douma de Marie Ange Evindissi. À la lecture du sociogramme de la société interne à l’œuvre : c’est-à-dire, celle dans laquelle se rencontrent et se défient des sujets humains dont les visions du monde sont culturellement et sociologiquement différentes, souscrit au prolongement du débat autour des approches du décloisonnement telles que : le post-colonialisme, le postmodernisme et le mondialisme !