Si certains jettent leur dévolu sur la violence pour crier haro sur les insanités de ce monde, Rodrigue Fotso Sop a quant à lui choisi l’écriture pour exprimer sa révolte et sa pensée avec une certaine liberté. Pas l’écriture pour l’écriture. Car, ce serait « un crime de lèse-majesté » envers le souci de mise en dialogue de tendances éthique et esthétique. Mais, une écriture poétique qui « promet des choses » : trêve de ce « Temps de chien » comme quand Patrice Nganang (Temps de chien, Serpent à Plumes, 2003), à la quête d’autres réalités que celles qui fondent son quotidien, Yaoundé servant de passerelle, dépeint la face honteuse-laide d’une société en crise de fond et prisonnière de mouvements désordonnés.
Dès lors, puisqu’il sait, comme Mongo Beti (Mongo Beti parle, Ambroise Kom, Homnisphères 2006), que « l’écriture ce n’est pas seulement l’inspiration, ce n’est pas seulement les émotions[…] c’est le choix des mots », le poète Rodrigue Fotso Sop, choisit avec minutie des mots virils parmi les « fleuves de mots/ [qui] Déferlent dans [sa] pensée » pour tirer à lettres réelles sur les maux et les tournures d’esprit méphistophéliques qui dépiautent sans scrupule son sociotope. Ainsi, pour mener son entreprise jusqu’au bout de son souffle, la balise de l’originalité de son acte d’écriture est assurée par l’usage du vers court. Une charge électrique pour donner force aux mots de mitrailler, « sans tambour », les maux : « Des fleuves de mots/ [qui] Déferlent/gémissent/soupirent/se lamentent/ [et] S’allument de mille feux » !
En substance, Couleurs du temps (Ifrikiya, 2014, ISBN : 978-9956-473-84-7) est ce recueil de poèmes lucides-profonds et agréables à lire, qui porte un regard loufoque et aigre-doux à la fois sur les heurts et les malheurs qui travaillent la société. Et partant, le monde. Tout simplement, de la poésie sans forcer qui déboucherait sur une réflexion qui nous concerne tous : l’angoisse d’être homme dans ce monde, pour danser à l’ombre des mots de Guy Scarpetta (L’impureté), où rien ne semble joué d’avance… à méditer !