L’abbé Emmanuel Ndjakomo célèbre la sagesse Bulu dans le « Dictionnaire des proverbes Bulu »

par Rosine Dayo
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L’abbé Emmanuel Ndjakomo célèbre la sagesse Bulu dans le « Dictionnaire des proverbes Bulu »

« L’Afrique de nos ancêtres, cette Afrique qui tend à disparaître », c’est de cette Afrique-là qu’Emmanuel Ndjakomo, prêtre de profession et auteur de ce livre, veut nous parler.

Il plante le décor avec une image de l’Afrique que bon nombre d’Africains n’ont connu qu’en image. Une image de l’homme noir vivant autrefois en harmonie avec la nature sauvage, mais qui aujourd’hui se sent en danger dans ce biotope qui fut le sien.

L’arrivée de la civilisation blanche a indéniablement transformé le mode de vie dans les sociétés africaines. De façon progressive, elle a conduit à l’aliénation de la population autochtone. Aujourd’hui, les dégâts sont observables et les autorités essayent tant bien que mal de rectifier le tir. À cet effet, une journée mondiale de la langue maternelle a été proclamée par l’UNESCO et est célébrée chaque année dans les États membres afin de promouvoir la diversité linguistique et culturelle. Ceci dans le but d’amener chacun à prendre conscience de la gravité de la situation et à passer à l’action avant qu’il ne soit trop tard.

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Dans le sillon de ce combat, Emmanuel Ndjakomo publie en 2016, aux éditions Ifrikya, le « Dictionnaire des proverbes Bulu ». Il se donne pour mission de contribuer à la pérennisation et à la transmission de la langue et de la culture Bulu. Dans ce répertoire, Emmanuel Ndjakomo donne à voir la pluralité et la richesse de la culture Bulu.

Pour assurer cette transcendance, l’auteur aurait pu convoquer le conte, la légende, les berceuses, mais il choisit le proverbe. Dans la littérature orale africaine, le proverbe est le canal par excellence qu’utilisent les sages pour transmettre leur sagesse à leur progéniture. Le proverbe apparaît ainsi comme un outil stratégique, propice pour l’étude de l’identité culturelle d’un peuple.

Ces proverbes abordent la vie Bulu dans tous ses maillons. C’est un voyage qui nous fait faire un tour en pays Bulu en proposant une expédition au cœur même de la philosophie au moyen des proverbes souvent poétiques, toujours imagés et plein de sagesse et de vérités sources de bon sens et de compréhension de la vie.

 

Une grande mère pouvait alors dire à son fils « /Metyela kup a ne te dimin nkoé été », qui veut dire qu’une poule tachetée ne saurait passer inaperçue dans un panier. Autrement dit, un Homme talentueux est une identité remarquable.

Un père pouvait dire à ses enfants « /Mevot metan ma susup mbim ôkpzeñ/ », qui veut dire que cinq filets ne peuvent manquer de tuer un lièvre. En d’autres termes, l’union fait la force.

À travers des images simples proches de la vie de tous les jours, le proverbe exprime un sens profond.

Présentés sur un ordre alphabétique, les proverbes publiés dans cet ouvrage abordent tous les domaines de la vie du peuple Bulu et en précisent les us et les coutumes. Les thèmes tels que la recherche du bonheur, l’éducation, la paix, le mariage, la sagesse, la mort, la vie, la sexualité et bien d’autres y sont ainsi illustrés, expliqués et valorisés. À travers ces thématiques, c’est tout un imaginaire populaire Bulu qui a été construit. Nous assistons à la création, mais surtout à la personnification d’animaux, leur octroyant ainsi une place significative dans la structuration de la société humaine. Des personnages tels que Kulu, la tortue ; Ze, la panthère ; Zibi, l’antilope, ont ainsi fait leur chemin dans la société qui leur a attribué des noms, des traits de caractère qui font d’eux des êtres qui prennent la parole pour incarner, dévoiler et condamner les caractères et injustices sociales propres à l’Homme.

Un proverbe bien placé dans l’échange verbal peut avoir des effets intéressants. Seulement, nous pouvons faire ce constat paradoxal que les vieillards illettrés connaissent et utilisent plus de proverbes que les jeunes lettrés. Cela pourrait avoir pour origine l’attitude des jeunes qui considèrent le proverbe comme un langage de vieux. Pourtant, la connaissance de proverbes peut refléter le niveau de connaissance et de maîtrise de la langue du locuteur.

Concernant le problème de l’abandon des langues par la jeunesse africaine actuelle, il serait sage de suivre le conseil de ce proverbe Bulu qui dit /Tate’e vañ ôkôs, éyoñ te ô zu vañ bikon/ qui veut dire « calme d’abord la tornade et après, tu pourras calmer les bananiers ». Ce proverbe recommande donc de regarder d’abord la cause.

Ce dictionnaire fournit au chercheur, à l’intellectuel, aux leaders appelés à s’adresser aux populations Fang-béti et à tout lecteur amoureux des langues, une base de données d’une richesse inestimable. Chaque personne enrichit son fond de proverbe en même temps qu’elle multiplie ses expériences de vie. Cette lecture, mieux cette découverte fut très enrichissante pour moi. Ce sont des heures de plaisirs qui attendent celui qui ouvrira.

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