« La culture est une arme pour être libre » : Christian Epanya en résidence à la maison de la littérature de jeunesse “Le Wolf” à Bruxelles

par Acèle Nadale
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"La culture est une arme pour être libre" : Christian Epanya en résidence à la maison de la littérature de jeunesse “Le Wolf” à Bruxelles

Dans la littérature jeunesse, l’illustration est une discipline incontournable. Elle sert à représenter des lieux de vie, des personnages, des actions et bien d’autres éléments qui accompagnent les textes. L’auteur et illustrateur jeunesse français d’origine camerounaise Christian Kingue EPANYA est l’un de ceux qui imprègnent de leur marque cette littérature, en particulier la littérature jeunesse africaine.

Le plus gros succès de Christian Epanya, Le taxi brousse de Papa Diop (Syros,2015), a été vendu à plus de vingt mille exemplaires partout dans le monde. Il a été traduit en japonais, en suédois, et a été adapté au théâtre en Suède. On ne s’étonne donc pas que ce livre fasse partie des livres au programme dans l’éducation nationale en France pour les classes de CE1 et CE2.

Né à Douala en 1956 à Bonadoumbe, Christian Epanya est un vrai globe-trotteur dès sa jeunesse. Il fait ses études primaires à Bonadoumbè, à Douala au Cameroun, puis ses études secondaires à Foumban et Nkongsamba. Par la suite, il poursuit une année d’études universitaires en Chimie-Biologie à Yaoundé, avant de s’installer au Gabon où il devient gérant de boîte de nuit à Libreville.

Hanté par sa passion pour le dessin, il n’a qu’un seul rêve en tête : entrer dans une école de dessin en France, le Cameroun et le Gabon n’offrant pas d’école professionnelle de dessin à cette époque. Son séjour au Gabon est de courte durée et il retourne au Cameroun où il travaillera pendant huit ans chez Elf Serepca comme responsable de chargement de pétrole.

Profitant des indemnisations des départs volontaires proposées par son employeur, Christian Epanya va enfin réaliser son rêve d’entrer dans une école professionnelle de dessin. Il sera admis en 1990 à l’école de dessin et d’art Emile Cohl de Lyon où il passera deux ans.

Dans le cadre d’une résidence à la Maison de la Littérature de Jeunesse “Le Wolf” à Bruxelles, qui se déroulera du 25 au 30 septembre prochain, nous sommes allés à sa rencontre pour discuter de son métier et découvrir ce qu’il réserve aux visiteurs pendant cette période.

Comment avez-vous été accueilli dans votre école de dessin au début de votre formation professionnelle ?

J’ai été plutôt bien accueilli vu mon âge à l’époque. J’avais 34 ans quand j’ai commencé. J’étais donc bien plus âgé que la plupart de mes camarades qui eux étaient au début de la vingtaine. Mes professeurs m’ont rapidement bien intégré et ont reconnu la qualité de mon travail. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai été admis directement en deuxième année ; ce qui m’a fait faire des économies vu le prix élevé de la scolarité.

Quelles différences techniques avez-vous rencontré lors de votre formation, puisque vous aviez été jusque-là un autodidacte ?

Les codes dans le dessin sont différents dans une école de formation professionnelle, ce qui n’empêche pas de les acquérir de manière autodidacte aujourd’hui. Mais l’avantage d’une formation professionnelle reste l’accompagnement de qualité des professeurs qui vous guident. Personnellement, j’ai appris à travailler avec les couleurs car je ne savais pas le faire lorsque je dessinais au Cameroun.

Comment avez-vous été contaminé par le virus du dessin ?

Ma nounou m’a dit que j’ai commencé à dessiner à l’âge de trois ans. Je dessinais sur le sable avec des bâtonnets. Je dessinais tout et partout. À la sortie des salles de cinéma, je reproduisais ce que j’avais vu. Mes cahiers à l’école étaient remplis de dessins. J’aimais aussi beaucoup lire, et ceci sans y être forcé. J’étais un enfant très renfermé qui ne jouait pas au foot et restait plongé dans ses univers BD des heures entières. Je lisais des BD comme Les Aventures de Tanguy et Laverdure, Zembla et bien d’autres. Je les achetais tous les mois au kiosque à journaux de mon quartier et j’attendais avec grande impatience toutes les fins du mois pour me procurer les nouveaux albums.

Connaissant la difficulté à se faire une place dans votre domaine, quels ont été selon vous les éléments qui vous ont permis de décoller ?

À la fin de ma formation en 1992, j’ai envoyé mon dossier au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil et il a été bien accueilli. Il avait été exposé dans le cadre de “Figures futures”. L’année suivante, j’ai remporté le Prix UNICEF des Illustrateurs à la Foire internationale du livre jeunesse de Bologne en Italie. Ce prix a été une étape importante pour la suite de ma carrière, car il m’a ouvert des portes aux éditeurs américains et allemands.

Comment voyez-vous le livre jeunesse aujourd’hui au Cameroun ou en Afrique en général, et que conseillez-vous à un jeune qui veut se lancer dans le métier d’illustrateur ?

Il y a de plus en plus d’écoles d’art au Cameroun. J’en connais une à Foumban et une autre à Mbalmayo. La bande dessinée se développe plutôt bien en Afrique actuellement. Il y a de plus en plus de maisons d’édition dans des pays comme le Cameroun, le Bénin, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire qui font du bon travail. Je dirais à un jeune qui souhaite se lancer dans le métier d’illustrateur jeunesse de bien réfléchir avant, car c’est un métier très difficile. Mais il est tout aussi gratifiant. Il l’est vraiment parce que quand on voit les yeux brillants des enfants, on est comblé. Le plus dur est de se faire connaître. Ce métier demande un travail constant. Il faut aussi régulièrement aller voir les éditeurs et leur proposer de nouveaux projets.

Dans le cadre de votre résidence, que promettez-vous au public qui souhaite vous rencontrer et découvrir votre travail ?

Je recevrai des étudiants d’écoles d’art et des élèves d’écoles primaires. J’échangerai avec eux dans des ateliers sur le métier d’illustrateur et les différentes étapes de la conception. Le 29 septembre 2017 à L’Oranger, j’inaugurerai une exposition d’une fresque inspirée d’une de mes illustrations et réalisée par l’asbl Art Mural. C’est un programme vaste et varié que le public aura l’occasion d’apprécier et il s’étalera sur plusieurs jours. Ce métier est aussi pour moi un moyen de faire découvrir ma culture à toutes les personnes qui vivent en occident, toutes origines confondues. Je tiens également à montrer l’Histoire de l’Afrique aux personnes originaires de l’Afrique, car la culture est une arme pour être libre. Ce n’est pas un hasard si les dominants, pour mieux manipuler les peuples, essaient toujours de modifier la perception que les gens peuvent avoir de leur propre culture. Je serai accompagné lors d’une journée par l’auteur et illustrateur belge d’origine congolaise Dominique MWANKUMI.

Nous ne saurons vous quitter sans vous demander quand est-ce qu’on aura le plaisir de découvrir un nouveau livre signé Christian Epanya ?

Je travaille actuellement sur un livre avec la maison d’édition d’un couple franco-camerounais en région parisienne, “À vol d’Oiseau”. Il sera intitulé Le petit vendeur de beignets et c’est un biopic du père de la fondatrice de la maison d’édition. Je pense que ce sera un beau bouquin, car l’histoire m’a beaucoup touché et j’y mets toute mon âme. Il sortira avant la fin de l’année 2017.

Pour découvrir le programme détaillé des activités de la résidence littéraire, c’est ici.

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